Mois : mars 2021

Soutien au laboratoire Pacte de l’étranger

*Association des géographes italiens : https://www.ageiweb.it/eventi-e-info-per-newsletter/solidarieta-a-rachele-borghi-anne-laure-amilhat-szary-e-supporto-alla-liberta-dipensiero-e-di-ricerca/

*Association des géographes espagnols : https://www.age-geografia.es/site/declaracion-de-apoyo-a-la-investigacion/

*Commission de géographie politique de l’UGI :
Statement of Solidarity with French geographers and academics

Dear colleagues,

As many academics around the world we have followed with great concern the political debate in France where members of the government, including the Minister of Education and the Minister of Higher Education, and members of the National Assembly have been attacking the social sciences and the humanities at the university and more specifically scholars working in the field of gender studies, critical race theory and postcolonial studies.

These attacks have been criticized by many official instances including the Conseil national des universités CNU (the national agency supervising the careers of academics in France and organized in disciplinary sections), the Centre national de la recherche scientifique CNRS (the National Centre for Scientific Research), the Conférence des présidents d’université CPU (the Conference of University Presidents), professional associations such as the Comité national français de géographie CNFG (the French National Geography Commission), trade unions and many collective initiatives.

These collective attacks have intensified since October. Recently we were made aware of the inadmissible attacks suffered by fellow teachers and researchers affiliated to several French universities (Angers, Grenoble, Sorbonne University, Tours and elsewhere). Geographers included.

We want to call your attention to these attacks and express our solidarity with our French colleagues and our support of the Geography Section of the Conseil national des universités (CNU) and the Comité national français de géographie (CNFG.)

Both sent a strong and clear message of support to colleagues who have been personally targeted, especially to Anne-Laure Amilhat Szary, who has been receiving countless hate messages and death threats following a mediatized conflict in which she is involved as director of the PACTE laboratory at the Université Grenoble Alpes. Anne-Laure is a political geographer and an internationally renowned border scholar. She is also a member of the steering committee of the Commission on Political Geography of the International Geographical Union.

We therefore want also to circulate and support the message of French geographers. The CNU Geography Section and the CNFG have denounced the hostile climate which has been setting in for several weeks following the remarks of the Minister of National Education in November 2020 and of the Minister of Higher Education in February 2021, unanimously denounced by the CPU, the CNRS and other organizations representative of the academic world. Through these extremely serious attacks, the entire scientific community is targeted. It is not only the independence, transparency and quality of higher education and research that are called into question, it is also the place of the university in our society that is threatened.

You will find additional information in English and in French, including the message of the Comité National Français de Géographie (CNFG) at bottom of this message.

Kind regards,

Virginie Mamadouh (University of Amsterdam, The Netherlands) and Adriana Dorfman (UFRGS, Brazil)

Co-Chairs of the Commission on Political Geography of the International Geography Union.

Soutien aux recherches en Géographie féministe

Le CNFG a été alerté par les membres des Commissions de Géographie féministe et de Géographie critique des attaques récentes subies par l’une de leurs membres, notre collègue Rachele Borghi. Nous lui exprimons tout notre soutien et condamnons vigoureusement les entreprises de discrédit dont elle a fait l’objet pour des travaux scientifiques par ailleurs reconnus et validés par les pairs. Ce faisant, nous souhaitons également rappeler toute l’importance de la diversité des approches en géographie, dont le CNFG se fait le reflet à travers ses différentes commissions. Nous soulignons en particulier l’importance aujourd’hui de la géographie féministe, qui participe activement à l’écriture de la géographie contemporaine, et qui a permis d’apporter des perspectives et des méthodes nouvelles, dont la portée est désormais bien plus large que ce seul champ d’études.

Enfin, nous voulons exprimer notre inquiétude face à un climat dans lequel cette diversité est de plus en plus mise en cause dans le débat public par des attaques de différents ordres. Dans ce contexte, nous voudrions reprendre à notre compte les quelques principes de travail qui ont été rappelés par la motion du 8 mars 2021 de la section 39 du CNRS (https://bit.ly/3t6bEv5): « un principe de bienveillance vis-à-vis de toutes les démarches de recherche novatrices satisfaisant aux règles de la rigueur scientifique ; un principe de pluralité épistémologique s’opposant à toute forme de dogmatisme, fût-il scientifique ; et une exigence de réflexivité, qui nous paraît aujourd’hui plus que jamais essentielle à toute démarche de recherche ».

Soutien au laboratoire Pacte

18.03.2021
Soutien du CNFG au laboratoire Pacte et à sa directrice

Depuis près de deux semaines maintenant, le laboratoire Pacte à Grenoble et sa directrice font l’objet d’une campagne de harcèlement, d’intimidations, de menaces diverses, allant jusqu’à des menaces de mort, sur les réseaux sociaux. Ce type d’attaques, alimenté également par voie de presse, est non seulement une atteinte aux libertés académiques, qui supposent la possibilité d’échanges ouverts dans le cadre précis et rigoureux du dialogue universitaire, mais constitue également des actes extrêmement graves qui touchent directement à la sécurité même de nos collègues. Comme nous l’avons déjà souligné dans notre précédent communiqué du vendredi 12 mars, cette affaire s’inscrit dans un contexte plus général de tensions exacerbées autour des débats universitaires, qui font aujourd’hui l’objet d’interventions et de pressions inédites, sur le plan politique comme médiatique.

Dans ce cadre, le Comité National Français de Géographie souhaite donc d’abord adresser tout son soutien à l’équipe de Pacte, laboratoire pluridisciplinaire et pluraliste, dont la qualité du travail est reconnue tant au niveau national qu’international, et à notre collègue Anne-Laure Amilhat Szary, ancienne présidente de la Commission de Géographie politique et de Géopolitique et membre active du Comité, dont la probité et la valeur ne sont pas à prouver. Ensuite, nous exprimons à nouveau notre inquiétude sur les dérives actuelles, aggravées par les déclarations récentes de Mme Frédérique Vidal remettant profondément en question des champs entiers de recherches en sciences humaines et sociales.

En tant qu’association professionnelle regroupant des enseignant.es et des chercheur.es dans le champ de la géographie, nous appelons vivement à ce que des solutions soient trouvées pour rétablir des conditions de travail sereines pour l’ensemble des chercheurs. Celles-ci passeront nécessairement par la possibilité d’un dialogue libre et apaisé au sein de la communauté académique, que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche comme toutes les autres institutions universitaires et de la recherche se doivent de garantir.

Le bureau du CNFG

Quelle formation en épistémologie pour les futurs enseignants ?

« Quelle formation en épistémologie pour les futurs enseignants ?  »

Séminaire de la commission Histoire, épistémologie et didactique de la géographie »

Jeudi 18 mars 2021 14h à 16h

L’enseignement de l’épistémologie de la géographie figure dans les attendus du CAPES et dans les maquettes de Master MEEF depuis le début des années 2010. Il s’agit moins de transmettre une érudition encyclopédique que de rendre capables les futurs enseignants de penser l’enseignement de savoirs disciplinaires. L’enjeu est d’autant plus fort qu’une grande majorité des lauréats du concours sont historiens de formation (90% des lauréats actuels du CAPES d’histoire géographie). Quelle formation épistémologique proposée pour de futurs enseignants ? Quels contenus ? Quel volume horaire ? Quelles démarches déployées pour amener les étudiants à un regard distancié et critique concernant/vis-à-vis de la construction et de la transmission de savoirs géographiques, dans le contexte actuel de l’enseignement secondaire? ».

Ce séminaire était organisé autour des présentations de Camille Vergnaud et Laura Péaud de l’université de Grenoble et Valérie Deligniers de l’université de Rennes qui ont mises en débat ensuite.

 

Laura Péaud et Camille Vergnaud, enseignantes-chercheures, Université de Grenoble Alpes – Replay ici.

Pour les étudiant.es qui se destinent à l’enseignement de l’histoire et de la géographie, se former à l’histoire et à l’épistémologie de ces deux disciplines apparaît comme une étape essentielle de leur formation. D’une part, dans la mesure où les dernières réformes des Masters MEEF ancrent une exigence de réflexivité au cœur même des concours (épreuve d’ASP par exemple). D’autre part, parce que dans leur future mission professionnelle, ils.elles auront également à transmettre à leurs élèves un esprit critique, leur permettant à leur tour de s’interroger sur la construction et la véracité des savoirs scientifiques. Cette présentation vise ainsi à interroger la façon dont deux enseignantes-chercheures s’emparent dans leurs pratiques enseignantes, en traduisant sous forme de cours et de dispositifs pédagogiques des réflexions menées depuis leurs postures de recherche. Durant cette séance, nous nous proposons de discuter des enjeux de l’enseignement de l’épistémologie de la géographie auprès de deux publics : des L3 Histoire, dont une majorité aspire à devenir enseignant.es, et des M1 MEEF engagé.es dans la préparation du concours. Notre contribution s’appuiera sur des réflexions théoriques, mais aussi sur la présentation des contenus, formats et modalités pratiques de cours proposés à ces étudiant.es, que nous avons pensés à quatre mains et deux têtes.

 

Valérie Deligniers, enseignante-chercheure, université de Rennes – Replay ici.

L’enfant, l’espace et la géographie au premier degré

La construction du concept d’espace est un acquis indispensable pour tout élève et un préambule nécessaire à la géographie, identifiée officiellement à partir du cycle 3. Ce processus s’appuie à la fois sur les connaissances liées à l’évolution du développement psychologique de l’enfant et des savoirs géographiques. Ces apports scientifiques combinés permettent de proposer des contenus de programme faisant lien et donnant sens aux apprentissages. L’expérimentation, l’observation et le questionnement donneront à l’élève une clé de lecture et de compréhension du monde, en prenant appui d’abord sur son espace proche et personnel afin d’en faire un « être spatialisé » et un « habitant » éclairé, ensuite sur « l’ailleurs » en exerçant approche multiscalaire, décentration et éveil à la curiosité et à l’altérité. Ainsi, expériences et identité géographiques se forgeront progressivement en oscillant entre une géographie « spontanée », concrète, de terrain et une géographie plus « académique », mise en perspective et en lien avec les grands enjeux sociétaux contemporains, communs à d’autres disciplines.

 

Discussion :

A l’issue des deux présentations, la discussion s’est engagée avec les participants du séminaire. Le présent CR présente de manière synthétique les points saillants de la discussion.

Contexte institutionnel du cours : Pour enseigner la production matérielle des savoirs, il faut aussi s’interroger sur les conditions institutionnelles et matérielles qui façonnent nos cours (contenus, horaires, évaluation, etc.), y compris les maquettes. Cela implique de réfléchir aux articulations avec les stages dans les établissements scolaires que font les étudiants. Il y aussi des ponts à construire avec l’épistémologie de l’histoire qui pourrait être un levier pour entrer dans l’apprentissage de l’épistémologie en géographie. Les étudiants de L3 n’ont souvent pas eu d’épistémologie dans leur parcours.

La forme universitaire est problématique car en formation d’enseignant, cela peut générer des contradictions entre un discours magistral et l’injonction faite aux étudiants d’adopter des pédagogies actives. Par ailleurs, les pratiques innovantes peuvent rentrer en contradiction avec l’identité professionnelle des enseignants universitaires.

Quand les étudiants apprennent-ils à lire des articles scientifiques ? Que peuvent-ils faire du travail du chercheur ? Laura Péaud a constaté que les étudiants ne savent pas lire des articles scientifiques. Elle a proposé de travailler cela en cours de méthodologie. Elle a découpé un article que les étudiants ont du remettre dans l’ordre ce qui leur a permis de questionner l’écriture d’un article scientifique :  qu’est-ce qu’une introduction ? Qu’est ce qu’une méthodologie etc ?  etc. L’évaluation de ce type d’apprentissage pose problème.

Est-ce qu’amener les étudiants à l’épistémologie ne nécessite pas de bousculer les étudiants ? Est-ce que ce que les étudiants ont compris fait sens une fois sur le terrain ? Les deux présentations mettent en avant une même quête : celle de déclencher un déclic épistémologique pour modifier le rapport des étudiants au savoir. Valérie Delignière a témoigné que les étudiants reviennent de stage en soulignant le décalage entre la géographie telle qu’elle est enseignée sur le terrain d’une part et les programmes actuels d’autre part. Les manuels dans les écoles sont parfois très anciens et présentent une acception traditionnelle de la géographie. Cette situation met en porte-à-faux les étudiants et soulève la question de savoir quelle empreinte laisse un cours d’épistémologie sur les pratiques enseignants des étudiants en stage ou plus tard dans leur vie professionnelle. A ce titre, le fait de simuler un colloque (séance 1 de la progression MEED M1 SD) pourrait permettre aux étudiants de s’approprier la parole de géographes, et se projeter un peu plus comme enseignants de géographie.

Il y a un intérêt à rentrer par des questions épistémologiques plutôt que par l’histoire de la géographie. Cela permet de repolitiser le savoir géographique. L’intérêt est que les étudiants interrogent ensuite les savoirs avec leurs élèves.

Les deux présentations rejoignent les travaux menés sur la géographie expérientielle développée dans le monde anglo-saxon et en France dans les travaux du groupe Pensée spatiale sous l’égide de Caroline Leininger-Frézal.