Géographies culturelles

Objectifs

1.Présentation

GéographieS culturelleS se présente comme une commission du CNGF qui veut reprendre aussi bien le riche bagage de la géographie culturelle (ancien groupe CNFG) comme base pour un nouveau débat avec les autres géographies de la culture, et spécifiquement les géographies “post-“ de tradition plus sociale et critique. Ces deux visions aux trajectoires différenciées, parfois antagonistes, sont cependant susceptibles de provoquer des interactions fertiles et un renouveau des sujets de la géographie culturelle plus classique autant qu’elles ouvrent un nouvel espace de rencontre entre les différentes approches culturelles en géographie.  

Cet objectif de dialogue a pour but de considérer la culture sous toutes ces formes, et à la fois de tisser des liens entre les différentes géographies contemporaines dans un contexte francophone principalement. L’idée est de ne pas tomber dans une copie décalée de la post-géographie anglosaxonne, ou la géographie dite “postmoderne”, mais plutôt de relancer des géographies culturelles à la fois pan-géographique et transdisciplinaire. Le défi est risqué étant donné la divergence d’origines, de statut et d’intégration semi-collective des travaux portant sur les objets et sujets “de culture” en géographie. C’est pourquoi la commission se fixe comme projet de renouer le culturel et le social, l’épistémique et la pragmatique, l’historique et le spatial… en se focalisant sur l’évolution contemporaine de ces objets et sujets de culture. GéographieS CulturelleS se présente alors comme un lieu de visibilité et de réunion des thèses séparées qui n’ont pas encore produit la synthèse que l’on pourrait espérer.

  1. Postionnement théorique

L’histoire longue et présente de la géographie culturelle permet d’emettre une hypothèse dont la vérification ponctuelle est déjà acquise : nous sommes entrés dans l’aire de la géographie des objets (de cultures). Nous postulons en effet qu’une transition effective de la géographie culturelle est à l’œuvre depuis déjà quelques décennies et que cette transition tend à effacer l’idée de sous-champ disciplinaire pour faire place à une géographie plurielle, mouvante, indéfinie… qui se traduit plus largement par des approches culturelles en géographie. Nous passerions alors d’une géographie des cultures aux géographies de la culture, sous toutes ses formes. Ces géographies ne sont plus déterminées par les cadres (parfois restrictifs) qu’impose un champ disciplinaire. Elles constituent alors une forme d’hybridation intradisciplinaire comme résultante de l’ouverture pan-disciplinaire des approches théoriques et méthodologiques de la culture et une pratique interdisciplinaire qui s’émancipe justement de l’une ou l’autre de ces approches pour piocher dans les SHS ce qui lui convient.

La vérification partielle de cette hypothèse naît d’un impact visible dans l’évolution des travaux. L’étude géographique, souvent fixiste, de cultures inscrites dans des espaces lissés, localisées en aires culturelles, contraintes à la régionalisation, parfois même au carcan identitaire, ethnique ou spatialiste… laissent place à l’analyse de la spatialité et/ou de la territorialité d’objets de culture ; alors reconstruits au prisme de leur fluidité. Peut-être peut-on dire ainsi que nous sommes entrés dans l’aire des géographies dédiées ; géographies du, de la ou des… En guise d’exemples, et ils sont nombreux, peut-on citer la géographie du corps, une géographie de la danse ou encore une géographie des fêtes. Tantôt clairement culturelle, souvent sociale, parfois économique ou politique, déterminé par l’analyse spatiale ou l’approche qualitative… ces géographies ont comme point commun celui de considérer un objet, une pratique, un sujet qui soit qualifié de “culturel” en même temps qu’il peut être proteiforme. Mais, leur biais théoriques et méthodologiques autant que leur positionnement disciplinaire peuvent variés plus que sensiblement. 

  1. Objectifs premiers

L’objectif premier de la commission sera donc d’affiner la liste des géographies culturelles possibles en procédant par “entrées” (auteur, objet, sujet, méthode, positionnement théorique…), thématique (seconde vie des objets, patrimoine, fête…) et/ou positionnement épistémologique (géographie culturelle, économique, sociale…) ; et ce afin de dégager les opérateurs du rapprochement. Une discussion sur les risques d’englobement de l’appellation “géographies culturelles” devra aussi être menée. Une seconde proposition de titre pour cette commission (“géographie culturelle au pluriel” p.e.) étant aussi possible.

Pour revenir sur cette mutation observée, nous voyons deux raisons supposées à cette pluralisation des approches culturelles en géographie, à ce passage d’une géographie culturelle aux géographies de la culture. D’abord, les travaux inclus dans cette géographie plurielle permettraient de mieux répondre aux exigences de la complexité qu’impose l’actualité en sciences humaines et sociales. Que ce soit les critiques qu’auront reçues respectivement les approches particularistes en géographie ou, dans une perspective constructiviste, ce qu’elles auront fait et défait de leurs objets privilégiés, des situations intenables espitémologiquement semblent être l’origine de cette reconversion. Ensuite, ces mêmes travaux seraient plus aptes à rester précautionneux en contexte d’incertitude ; sociétal ou scientifique. En effet, l’unité méthodologique et théorique a-t-elle pu cloisonner, en différentes époques, le champ culturel. Les possibles que recèle ce dernier ne peuvent être contenus par un sous-champ et auront eu raison de l’ouverture et du mouvement auxquels en appelle le besoin de synthèse.  

L’objectif second de la commission sera alors de discuter des raisons supposées ou incertaines de cette transition. Aussi, sans prétention exhaustive, nous pouvons d’ores et déjà mettre l’accent sur les effets produits par ce brassage disciplinaire.

Une première catégorie impliquant la production d’effets pervers montre que certains travaux reconstruisent des formes de particularisme, qui flirtent parfois avec un essentialisme non assumé. En travaillant sur des objets isolés de leur contexte de production et de consommation, détachés des autres dimensions sociétales qui les conditionnent, même ponctuellement, dans l’éphémérité, ces géographies peuvent parfois faire appel à des lectures spatiales que même les méthodologies les plus rigoureuses ne sauraient affirmer en tant que réalités. De plus, l’occurrence d’un objet de culture qui se tiendrait en un lieu spécifique, unique, souvent exotique, dont le contexte ne peut plus être celui de la culture locale, pose quelques fois le problème de l’endémicité non déterministe. Aussi, peut-on voir comment, dans le cas de la musique par exemple, les processus de justification des travaux induits, ces géographies contemporaines de la culture, ont-ils tendance à créer des sous-courants disciplinaires « objectivés » ; c’est-à-dire réduit à la pratique même de la discipline en lien à un objet. Nous définissons ainsi ces sous-courants comme la production d’un mouvement collectif ayant pour principal résultat l’inclusion disciplinaire d’un objet et non l’ouverture géographique aux objets des sciences humaines et sociales. Quels sont alors les autres exemples que la commission serait susceptible d’identifier pour nourrir cette réflexion ?

Comme effet positif, qui entre dans le cœur même du processus de transformation de la géographie culturelle, nous constatons qu’un grand nombre de travaux ont tendance à redorer le blason du dialogisme. D’abord entre des épistémologies différentiées, voire même combatives, qui n’avaient pas su/voulu se mettre d’accord sur les écritures de la discipline. Le récent débat entre la géographie culturelle instituée et les tenants d’une géographie sociale « champ-trifiée »[1], a montré sa stérilité et, en dépit de propositions d’une géographie socioculturelle, rien de contondant ne semble en être ressorti. On pourrait également citer les altercations entre géographes, par revues ou Geotamtam interposés qui n’ont su constitué de groupes de partisans ouvertement inspirés de l’une ou de l’autre des thèses soutenues, mais engage le plus souvent les chercheurs dans leur « égogéographie ».

Ensuite, nous voyons comment se sont retrouvées, même partiellement, des approches théoriques et méthodologiques distantes pour expérimenter le traitement géographique inédit d’objets nouveaux ou renouvelés. Ainsi, que se soit par des volontés de fusion interdisciplinaire, intégrant par exemple la question sociale en géographie culturelle, ou par des agrégations de fait, lorsque la production culturelle devient une ressource sociale dans d’autres exemples, nous voyons les idéologies scientifiques s’affaiblir face à la nécessité de considérer les objets d’étude dans leur intégralité, avec intégrité. Ici, nous avons pu voir le formidable rattrapage de la géographie économique dans son appréhension de la culture sans que cela ne semble la renforcer en tant champ privilégié de la question des productions culturelles ; sinon parfois des cultures productives. Enfin, l’institution de dialogue considérant le potentiel de la réunion intradisciplinaire a-t-elle eu tendance à rapprocher des lectures du Monde (de mondes) incompatibles ? C’est ici moins sûr et c’est cela que nous posons comme objectif troisième de cette commission. Les réalités spatiales, concept cher à nombre de géographes, peuvent-elles être posées comme des principes unificateurs qui, surfant sur la faiblesse observée des idéologies, permettraient de repartir d’un point de vue observationniste ? Cette question bien incertaine à trouver des éléments de réponse lorsque la géographie régionale, la question paysagère ou encore le principe pictural ont été avancés comme des points communs d’une géographie en mal de coalition. Pouvons-nous chercher également d’autres exemples qui nous permmettraient de penser cette thèse et son contraire ?

  1. Agenda des premières réunions

Ce sont en résumé les éléments suivants que nous avons privilégiés pour tester l’hypothèse d’un passage d’une géographie des cultures aux géographies de la culture, et l’entrée postulée dans l’aire des géographies dédiées, au prisme des géographies plurielles :

–             Les épistémologies respectives des géographies culturelles. Quels points communs ? Quels isolats ? Quels impactes de ceux-ci dans les trajectoires respectives ?

–             Les objets nouveaux et/ou le renouvellement de leur traitement géographique.

–             Les processus de (ré)écriture de la discipline qu’ils impliquent.

Quels éléments avons-nous en somme pour caractériser cette pluralisation de l’approche culturelle en géographie ? Et surtout, l’histoire comparée des géographies culturelles peut-elle ouvrir les perspectives de recherche pour de futures collaborations ?

Nous espérons donc travailler dans cette commission sur la synthèse épistémologique possible des géographies culturelles francophones en insistant sur le développement d’une approche plurielle incluant toutes les dimensions des objets (culturelle, sociale, économique, politiques…) sans hiérarchisation et sans volonté aucune de les séparer dans leur distinction. En recherchant en quoi les sous-champs disciplinaires accusent une (dés)intégration plus large dans l’approche culturelle, nous espérons alors suivre les pistes de la pluralisation de la géographie et de son interdisciplinarisation actuelle.

  1. Les premières actions du groupe

A – Identifier et classer les chercheurs francophones susceptibles d’intégrer le groupe selon les trois modalités suivantes :

               – comme membre participant aux activités ;

               – comme membre observateur / témoins ;

B – Discuter de l’intitulé de la commission et de son contenu avec les membres de la commission constituée.

C – Créer une bibliographie thématique recensant les travaux inscrits dans la démarche du groupe. Cette bibliographie sera l’occasion de créer une liste de chercheurs ressources ayant publié des travaux inscrits dans la thématique du groupe  – cela permettrait d’inscrire le champ dans une vision la plus large possible (incluant les écrits anglophones notamment, voire plus).

D – Discuter des modalités d’actions futures du groupe, en commençant par les rencontres et conférences possibles et souhaitées autour de la commission ; et du lien : A- avec les différentes commissions du CNFG ; B- les autres instances en charge de thématiques similaires (labo, associations, UFR…) ; C- de la publication des éléments de synthèse produits alors.

[1] Osons ici le néologisme de champtrification qui définit la construction d’un champ disciplinaire par le double processus d’exclusion d’autres champs et d’inclusion d’une approche spécifique (positionnement théorique surtout, et éventuellement méthode et objet privilégiés).

Responsables

Nicolas Canova, ENSAP Lille, n-canova@lille.archi.fr
Nouvelle commission
 Hugo Capella Miternique, Université Palma de Majorque, hugo.capella@uib.eu

Membres